L’Inrap entreprend des recherches dans la grotte préhistorique du Mas d’Azil
Une équipe d’archéologues de l’Inrap vient d’intervenir, sur prescription de l’État (Drac Midi-Pyrénées), dans la monumentale grotte-tunnel du Mas d’Azil en Ariège, à l’occasion d’un projet de réaménagement touristique. Traversée par la rivière Arize, mais aussi par la route départementale 119 – reliant le village du Mas d’Azil à celui de Maury – cette immense grotte est l’un des sites majeurs de la préhistoire française. Elle est classée monument historique depuis août 1942. C’est aussi un haut lieu touristique. L’aménagement d’un bâtiment d’accueil et du parcours de visite par la commune du Mas d’Azil, maître d’ouvrage, nécessite diverses opérations de diagnostic archéologique. Deux phases se sont déjà déroulées. La première concerne une tranchée destinée aux réseaux enterrés traversant la route, la seconde porte sur le bâtiment d’accueil, localisé au sein de la grotte.
Ce gisement paléontologique et préhistorique a fait l’objet de recherches dès 1860. Félix Garrigou en décrit la stratigraphie générale en 1867. Vingt ans plus tard, Édouard Piette y entreprend d’importantes fouilles. Au cours de ces années, des milliers d’outils de silex et des centaines d’œuvres d’art mobilier furent extraits de la cavité. En 1901-1902, Henri Breuil définit la chronologie de la culture magdalénienne à partir de ses fouilles au Mas d’Azil et découvre les premiers vestiges d’art pariétal de la caverne (bison, cheval, félin, poisson, etc.). Entre 1936 et 1958, Joseph Mandement révèle de nombreuses cavités inédites. Mais c’est Marthe et Saint-Just Péquart qui, de 1935 à 1942, fouillent le réseau profond et exhument l’un des rares « habitats en grotte obscure » d’où sont extraits quelques chefs-d’œuvre de l’art magdalénien : propulseurs, bâtons percés, contours découpés, etc. Depuis cette date, seules des recherches ponctuelles ont été réalisées dans la grotte. La rive droite, où se situent les cavités ornées, était depuis considérée comme stérile, hormis quelques remblais des fouilles anciennes.
La grotte du Mas d’Azil est le site éponyme d’une culture succédant au Paléolithique supérieur : l’Azilien, défini par Edouard Piette en 1887-1889. Entre 10 000 à 7500 ans avant notre ère, cette culture de l’Épipaléolithique, c’est-à-dire entre le Paléolithique supérieur et le Néolithique, se caractérise par des harpons en bois de cerf perforés, à la base, d’une entaille allongée ; des grattoirs très courts et des armatures plus ou moins géométriques (les pointes aziliennes). L’art est représenté par des galets peints ou gravés.
Unique au monde, la grotte du Mas d’Azil est aussi ouverte au tourisme. Sa visite permet de découvrir les cavités de la rive droite de l’Arize. Débouchant au milieu de la grotte, ce réseau souterrain est une succession complexe de salles, de galeries, profondes et obscures. Elles ont non seulement livré des niveaux paléontologiques anciens, mais surtout ceux du Paléolithique supérieur, notamment du Magdalénien, riche en art pariétal, art mobilier, industries et vestiges humains.
Aujourd’hui, l’ensemble du parcours ouvert au public est en cours de réaménagement et de nouvelles structures vont être mises en place (passerelle piétonne au dessus de la rivière, vaste bâtiment d’accueil au départ du réseau profond). Si l’impact des travaux d’aménagement a été volontairement limité, chaque zone fait l’objet d’un diagnostic archéologique. Une équipe de l’Inrap vient d’entreprendre des recherches sur la tranchée traversant la route et l’emprise du bâtiment d’accueil. D’autres opérations seront prochainement réalisées en divers points du parcours de visite.
Largement explorée depuis 1860, la rive droite du Mas d’Azil a énormément souffert de sa découverte précoce. Aujourd’hui, elle ne contiendrait plus que quelques remblais de fouilles anciennes. Sous la route, le diagnostic de l’Inrap confirme cet état des lieux. Les quelques rares silex et ossements de renne et de bovinés découverts à cette occasion ont tous été remaniés lors de sa construction. Par contre, le diagnostic réalisé à l’emplacement du futur bâtiment d’accueil vient de mettre au jour une importante stratigraphie de plusieurs mètres de haut. Des couches de sables et de galets ont été mises en place par l’Arize lors de crues anciennes, contemporaines de la dernière glaciation du Quaternaire. En dessous et au-dessus (avant et après les crues), d'autres couches très riches en vestiges lithiques et osseux ont été constitué par les activités des occupants du Paléolithique supérieur. Le mobilier exhumé est en cours d’étude, mais les premières datations par la méthode du carbone 14 révèlent une première chronologie des occupations. Les plus anciennes, sous les niveaux de crues, sont pour la plupart attribuables à l'Aurignacien (35 000-33 000 avant notre ère). Plus tardive (14 700 avant notre ère), la culture magdalénienne succède à ces inondations qui noyèrent la grotte. Ces crues, de très grande ampleur, n'avaient jamais été perçues au Mas d'Azil. Elles sont importantes pour l'histoire des cavités pyrénéennes. Par ailleurs, les Aurignaciens sont réputés ne pas habiter les grottes profondes, or au Mas d’Azil de telles occupations sont mises en évidence.
Cette découverte est importante car elle enrichit le patrimoine du lieu, dans le périmètre même de sa mise en valeur. L’apport des techniques actuelles de l’archéologie préhistorique permet, en outre, la remise en contexte d’une partie des collections conservées dans les musées et jusqu’alors orphelines. La mise en évidence d'une séquence stratigraphique complexe, à la base de laquelle, notamment, les aurignaciens ont laissé de nombreux vestiges d'occupations est un apport important à la connaissance de la Préhistoire. L'étude de cette stratigraphie inédite, la compréhension des conditions de sa mise en place et l'extension de cette évaluation archéologique et géomorphologique à l'ensemble de la cavité s'annoncent prometteuses.
Ces recherches de l’Inrap sont entreprises en étroit partenariat avec une équipe de l'Université de Toulouse (Traces, UMR 5608), et participent d'un vaste programme de recherche engagé sur les collections et archives anciennes, dans le cadre de la valorisation de la grotte du Mas d’Azil. L’immense réseau de galeries du Mas d’Azil n’a pas encore livré tous ses secrets...
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